PIGMENTATION ANIMALE

PIGMENTATION ANIMALE
PIGMENTATION ANIMALE

La plupart des espèces animales sont parées de couleurs variées et caractéristiques, qui forment souvent des dessins complexes. Ces couleurs sont le plus souvent celles du tégument et de ses productions (poils, plumes, écailles), plus rarement celles de structures internes, lorsque le tégument est transparent. La couleur d’un animal ou d’un objet est celle de la lumière qu’il réfléchit, qui contient tout ou partie des composantes de la lumière incidente blanche (elle-même formée par l’ensemble du spectre visible). La lumière réfléchie est par définition complémentaire de la lumière absorbée par l’animal ou l’objet. Cette absorption peut avoir deux origines distinctes. Elle peut être due à la structure physique de la surface, on parlera alors de couleur structurale; elle peut aussi résulter de la nature chimique des composants de la surface, qui absorbent la lumière visible et portent le nom de pigments: on parle alors de pigmentation (= couleur due à des pigments). Ce que l’on observe, la couleur, résulte souvent de la conjonction des deux phénomènes, et l’usage fait que l’on emploie souvent le terme de pigmentation pour parler en fait de la coloration, alors que le premier terme a une signification plus restreinte. La coloration d’un animal peut être constante ou au contraire varier, rapidement (changements dits physiologiques) ou lentement (changements dits morphologiques), sans pour autant que la teneur en pigments change nécessairement. La coloration d’un animal joue de nombreux rôles et les pigments sont impliqués dans de nombreuses fonctions biologiques.

1. Pigmentation et coloration

L’œil humain est sensible à la lumière dans une gamme de longueurs d’onde restreinte, entre 400 nm (violet) et 750 nm (rouge). Les longueurs d’onde plus courtes correspondent à l’ultra-violet (perceptible par certaines espèces animales dont les insectes), les plus longues à l’infra-rouge. La gamme des couleurs visibles se place donc entre ces deux zones, selon un ordre facilement observé par exemple dans un arc-en-ciel (violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge). Un objet qui réfléchit l’ensemble du spectre sera blanc, tandis que, s’il ne réfléchit qu’une partie des radiations, il apparaîtra coloré.

Dans de très nombreux cas, l’épiderme ou ses productions contiennent des substances absorbantes, appelées pigments, qui appartiennent à des familles chimiques très variées [cf. PIGMENTS]. Selon leur structure chimique, ils absorbent dans une partie bien déterminée du spectre visible. Il n’y a cependant pas de correspondance univoque entre une couleur et une classe de composés chimiques: une même couleur peut être due à des pigments de nature différente, seule l’analyse chimique permettra d’identifier l’agent causal. Inversement, un même pigment pourra présenter diverses couleurs selon les modalités de son association avec les autres constituants cellulaires: ainsi, un même caroténoïde, l’astaxanthine, est présent dans les cellules sous forme de caroténoprotéine, c’est-à-dire associé à une protéine; selon la nature de la protéine, la coloration obtenue pourra varier du bleu au rouge, en couvrant pratiquement l’ensemble du spectre visible (cela est dû à un effet bathochrome des protéines, qui déplacent le maximum d’absorption vers les plus grandes longueurs d’onde, donc la couleur du jaune vers le bleu).

La pigmentation d’un animal est rarement le fait d’un seul pigment. Elle résulte le plus souvent de la présence simultanée de plusieurs pigments différents, qui concernent des structures épidermiques, dermiques ou plus profondes. Un exemple simple de ce dernier cas est fourni par la coloration rouge des lèvres, dont l’épiderme transparent laisse voir la couleur du sang qui les irrigue.

La couleur n’est cependant pas toujours uniquement due à la présence de pigments. Certaines couleurs sont dites structurales, et sont dues aux trois phénomènes physiques suivants: interférences, diffraction et diffusion. Les deux premiers phénomènes donnent naissance à des couleurs irisées, qui varient selon l’angle sous lequel on observe l’animal: ainsi, les couleurs irisées de la nacre, des ailes de certains papillons, des plumes des perroquets, les couleurs métalliques dorées des élytres des scarabées sont dues à des interférences de la lumière réfléchie par les deux faces d’une couche de faible épaisseur (ailes des mouches et des libellules; le même phénomène est à l’origine des couleurs des bulles de savon) ou par une série de structures périodiques (stries parallèles à la surface des élytres des coléoptères, qui fonctionnent comme un réseau – cf. OPTIQUE). La diffusion de la lumière par les milieux troubles (par exemple les solutions colloïdales) est responsable de colorations bleues non irisées, qui ne varient pas selon l’angle d’incidence de la lumière (effet Tyndall). Ce phénomène s’explique par une réflexion des rayonnements de longueur d’onde courte, tandis que les rayonnements jaunes et rouges traversent ces milieux. C’est à ce phénomène qu’est due la couleur bleue du ciel, celle de l’iris des yeux bleus de l’homme, ou de la peau des poissons (les particules qui diffusent la lumière à la surface de cette dernière sont des microcristaux de guanine).

Bien évidemment, couleur due à des pigments et couleur structurale peuvent se superposer. Ainsi, la couleur verte de la peau des amphibiens est due à la conjonction de pigments jaunes et d’effet Tyndall. Il en est de même des plumes vertes des oiseaux: si on extrait les pigments jaunes (caroténoïdes) à l’aide d’un solvant organique et qu’on laisse sécher ensuite les plumes, elles apparaissent bleues (couleur structurale).

2. Les diverses cellules à pigments

Les pigments peuvent soit être intracellulaires, soit être déposés à demeure dans des structures extracellulaires, comme les poils, les plumes, la cuticule ou la coquille. Dans le second cas, les pigments sont élaborés par des cellules qui transfèrent ensuite leur contenu dans ces structures, qui jouent en quelque sorte un rôle d’«organes d’accumulation». Nous n’envisagerons ici en détail que le cas des cellules pigmentées, qui peuvent se classer dans trois catégories distinctes: les chromatocytes sont des cellules épidermiques de forme fixe où la répartition spatiale des pigments est fixe; les chromatophores sont des cellules dermiques (chez les Vertébrés) dont l’aspect peut varier par changement de la forme de la cellule ou de la répartition des pigments; les cellules chromoépithéliales sont les constituants de base des épithéliums où la plupart des cellules sont pigmentées, comme chez les Insectes. Ces divers types cellulaires accumulent des pigments qu’ils synthétisent ou qu’ils puisent dans le milieu intérieur de l’animal.

Chromatocytes et chromatophores sont classés en fonction de la couleur des pigments qu’ils contiennent. Parmi les chromatophores, on distingue ainsi des mélanophores (qui contiennent des pigments noirs, en l’occurrence des mélanines) des xanthophores (jaunes), des érythrophores (rouges)..., ainsi que des iridiophores (cellules remplies de petites plaquettes – souvent constituées de cristaux de guanine ou d’un composé voisin – qui diffractent la lumière). Selon la nature et les propriétés chimiques des pigments, ils peuvent se trouver soit à l’état dissous dans le cytosol (pigments hydrosolubles comme les pigments biliaires), dans des gouttelettes lipidiques (pigments liposolubles comme les caroténoïdes) soit fixés sur une matrice formant des granules de petite taille (composés peu ou pas solubles comme les mélanines, les ommochromes, les ptérines ou les purines). Ces granules sont appelés en fonction de la nature chimique des pigments qu’ils renferment: mélanosomes (à mélanine), ptérinosomes (à ptérines), etc. Le tégument coloré peut renfermer des cellules pigmentées isolées (poissons, crustacés) ou regroupées en structures complexes (fig. 1) où voisinent des cellules de types différents (reptiles, amphibiens).

L’origine métabolique des pigments est très variable. Certains, issus du catabolisme des aminoacides (mélanines, ommochromes) ou des acides nucléiques (ptérines, purines) sont synthétisés par les animaux eux-mêmes et, fréquemment, à l’intérieur même des cellules pigmentées. D’autres, en particulier les caroténoïdes, sont d’origine alimentaire (seuls les végétaux sont capables de synthétiser ces composés – parmi lesquels le carotène, ou provitamine A, précurseur du pourpre rétinien) et ne subissent que de petites transformations chimiques chez l’animal, qui les accumule. Cette accumulation est particulièrement facile à mettre en évidence; elle est mise à profit pour rendre les canaris plus jaunes ou pour colorer en rose la chair des saumons d’élevage. Elle explique également la couleur dorée de la peau des bébés nourris avec des aliments contenant beaucoup de carotte.

Les pigments formés par les chromatocytes n’y restent pas toujours accumulés. Dans un certain nombre de cas, ils peuvent être transférés dans les phanères, la cuticule ou les cellules épidermiques banales. Cela a été particulièrement bien étudié chez l’homme, pour le transfert des mélanosomes depuis les mélanocytes jusqu’aux kératinocytes (cellules épidermiques). Les grains de mélanine formés par transformation de la tyrosine migrent dans les dendrites du mélanocyte, puis passent dans les kératinocytes. Des facteurs génétiques contrôlent la quantité de mélanine formée, la taille et l’emballage des mélanosomes. Dans la peau de type négroïde, on trouve de nombreux mélanosomes isolés, tandis que, dans la peau de type caucasoïde, ces mélanosomes sont regroupés en paquets à l’intérieur d’une même membrane (fig. 2). Le bronzage correspond à une stimulation par la lumière de la formation des mélanosomes et de leur transfert vers les kératinocytes (voir infra paragr. 3).

Il faut enfin noter que la pigmentation n’affecte pas que les structures épidermiques. De nombreux organes internes sont pigmentés, par des déchets du métabolisme, des composés d’origine alimentaire ou, bien sûr, des pigments respiratoires (hémoglobine, myoglobine...). Selon les cas, ces pigments pourront ou non concourir à la pigmentation générale, dans les zones où les tissus périphériques sont dépourvus de pigments et donc transparents.

3. Les changements de couleur

La pigmentation d’un animal n’est pas nécessairement constante, et bien souvent les animaux présentent des changements de coloration que l’on peut diviser en deux types fondamentalement différents. On distingue d’une part des changements de couleur rapides (de quelques minutes à quelques heures) et réversibles, encore appelés changements physiologiques et, d’autre part, des changements de couleur plus lents mais durables, appelés changements morphologiques.

Les changements de couleur physiologiques sont la plupart du temps liés à une modification de la distribution spatiale des grains de pigments, dont la quantité reste constante. Les grains de pigment à l’état dispersé sont en effet beaucoup plus visibles que s’ils sont accolés les uns aux autres en formant une masse punctiforme. Ce mécanisme est particulièrement évident dans les mélanophores dermiques, cellules étoilées de forme fixe, dont les mélanosomes peuvent migrer rapidement pour occuper l’ensemble de la cellule (forme sombre) ou se ramasser en son centre (forme claire), selon le schéma de la figure 3. La migration des grains de pigment, au lieu d’être centrifuge, peut s’effectuer dans le sens basal-apical, comme chez le phasme, qui présente un aspect sombre la nuit et une forme claire le jour. Dans d’autres cas, la modification de répartition spatiale des granules pigmentaires s’accompagne d’un changement de forme des cellules pigmentées. On peut retenir ici deux exemples qui correspondent à des mécanismes fort différents: chez la larve de corèthre, les chromatophores sont amiboïdes et peuvent s’étaler pour recouvrir les «flotteurs» (sacs aériens) si l’animal est placé sur fond noir alors que chez les céphalopodes, l’étalement des chromatophores est dû à la contraction de fibres musculaires qui sont accrochées à leur pourtour (fig. 4).

Les changements morphologiques de couleur sont liés à une modification du contenu en pigments, dont les causes peuvent être multiples. On range dans cette catégorie des changements saisonniers, comme l’alternance pelage d’été (brun)/pelage d’hiver (blanc) chez l’hermine, par exemple ou les modifications du plumage des oiseaux en période d’activité sexuelle. Ces changements brutaux, liés à des mues saisonnières, existent chez des animaux dépourvus de chromatophores dermiques et donc de la possibilité de changer rapidement de couleur. On range également dans cette catégorie des changements ontogéniques, qui se produisent au cours de la croissance, par exemple chez des larves d’insectes ou chez les oiseaux. On peut aussi inclure des changements adaptatifs, comme le bronzage naturel de la peau chez l’homme, qui est la conséquence d’une synthèse accrue de mélanine, ainsi que d’une multiplication accélérée des kératinocytes. La maladie bronzée d’Addison, due à un dysfonctionnement surrénalien, procède du même mécanisme.

Les facteurs qui contrôlent les changements de couleur sont nombreux: facteurs externes comme la lumière (intensité lumineuse, couleur de l’environnement, alternance jour-nuit), la température, l’humidité relative, parfois les odeurs; facteurs internes (émotions, agressivité, hormones du développement, etc.).

Les mécanismes de contrôle sont multiples. En dehors de quelques rares cas où l’on a pu montrer que les chromatophores sont photosensibles et répondent directement à la lumière, les changements de couleur sont contrôlés par voie humorale et/ou nerveuse, ce que nous allons illustrer par quelques exemples. Les réponses font intervenir une chaîne de réactions: ainsi, chez le phasme, la couleur change en fonction de l’humidité de l’air (plus forte la nuit). Par diverses expériences de ligatures et de chirurgie, on a pu montrer que des récepteurs tégumentaires sensibles à l’humidité ambiante envoient des influx nerveux vers le cerveau, qui libère alors une neuro-hormone «assombrissante», laquelle diffuse dans l’hémolymphe et déclenche la réponse pigmentaire. Dans d’autres cas, les changements de couleur physiologiques sont sous contrôle exclusivement nerveux, et l’on peut mettre en évidence des jonctions synaptiques.

Les changements de couleur physiologiques sont sous contrôle hormonal et nerveux chez les vertébrés anamniotes (poissons, amphibiens, reptiles). Deux hormones antagonistes interviennent: la mélanostimuline (MSH), sécrétée par le lobe intermédiaire de l’hypophyse, et l’adrénaline, sécrétée par le tissu chromaffine de la médullo-surrénale. Des synapses adrénergiques et cholinergiques peuvent également contrôler les mouvements des granules pigmentaires (au niveau cellulaire, divers composés agissent, en particulier l’AMP cyclique et les ions Ca++).

Les changements de couleur morphologiques sont sous contrôle hormonal. Chez le vison, le passage de la forme blanche (en hiver) à la forme brune (en été) est déclenché par la concentration de MSH (dont la sécrétion est contrôlée par l’hypothalamus, en réponse aux variations de la photopériode). Les animaux hypophysectomisés restent en permanence blancs (absence de MSH), et l’injection de cette hormone déclenche la formation de fourrure brune. La sécrétion de MSH est également contrôlée par l’épiphyse, ou organe pinéal, qui sécrète de la mélatonine. Ce composé inhibe la sécrétion de MSH et bloque également la maturation gonadique.

4. Les rôles de la pigmentation

Les pigments possèdent de très nombreuses fonctions. Nous ne les envisagerons pas toutes ici, renvoyant le lecteur à d’autres articles pour le cas des pigments respiratoires et visuels, qui peuvent participer à la pigmentation du corps, mais dont la fonction principale est tout autre.

Il est possible de distinguer deux niveaux parmi les rôles de la pigmentation, un premier niveau qui concerne les animaux eux-mêmes, un second niveau qui concerne leurs relations avec les autres animaux (appartenant à la même espèce ou à des espèces différentes).

Les pigments d’un animal jouent certainement un rôle photoprotecteur. En absorbant les rayons ionisants, en particulier les rayons ultraviolets, ils évitent que ceux-ci provoquent des dommages dans les cellules sous-jacentes. Il est significatif à cet égard que l’exposition au soleil stimule la production de mélanine dans la peau humaine, et que de nombreux animaux (poissons, reptiles) présentent une pigmentation noire de la membrane périviscérale ou de membranes entourant les nerfs, structures particulièrement sensibles. On peut également penser que la pigmentation des œufs de nombreux animaux marins joue également ce rôle photoprotecteur. À côté de cette fonction, les pigments tégumentaires peuvent posséder une fonction thermorégulatrice, tout particulièrement chez les espèces qui présentent des changements de couleur physiologiques. En effet, une pigmentation sombre permet une absorption efficace des rayons solaires, alors qu’une pigmentation claire les réfléchit. On conçoit dès lors que les changements de couleur permettent de contrôler l’absorption de l’énergie lumineuse, et participent à la régulation thermique chez les poïkilothermes. La présence de pigments (mélanines) peut également dans certains cas assurer une protection mécanique: ainsi, on a pu montrer que, chez les oiseaux, les plumes noires sont plus résistantes à l’abrasion que les plumes blanches, et il semble que cela soit lié à la présence des pigments qui renforcent la structure de la plume.

Outre ces fonctions physiologiques, la pigmentation joue un rôle fondamental dans les relations de l’animal avec les autres animaux (fonction écologique). La pigmentation peut servir à rendre l’animal moins visible dans le milieu environnant. On parle alors de coloration cryptique, ou de camouflage, ce qui correspond soit à une coloration homogène, par exemple une couleur verte pour des animaux posés sur des feuilles (homochromie), soit à une livrée bigarrée, qui masque la forme de l’animal: de nombreux exemples pourront être trouvés dans les planches en couleur de l’Encyclopædia Universalis (cf. notamment POISSONS). La similitude entre l’aspect de l’animal et le milieu peut être très poussée, comme chez les poissons plats posés sur un fond sableux, et renforcée par la forme particulière de l’animal (homotypie des phasmes, papillons-feuilles...). La coloration/pigmentation peut au contraire être très voyante; l’animal paré de couleurs vives attire alors l’attention. On parle dans ce cas de coloration sématique. On la rencontre par exemple chez des animaux non comestibles pour d’éventuels prédateurs, elle sert alors de signal avertisseur, facilement reconnaissable, à rôle répulsif (coloration aposématique). Il arrive qu’un animal comestible présente la même pigmentation qu’une espèce non comestible. Ce phénomène de mimétisme protège l’animal comestible, pour lequel on parle de coloration pseudosématique (plus précisément pseudoaposématique). Cette coloration voyante peut au contraire avoir un rôle attractif (coloration épisématique), dans deux cas bien distincts, soit pour favoriser le rapprochement des sexes par exemple chez les oiseaux et les poissons, dont les mâles ont des livrées aux couleurs vives en période de reproduction (coloration épigamique), soit chez des prédateurs ou des parasites, qui simulent ainsi un partenaire sexuel ou une proie (coloration épisomatique).

Les rôles de la pigmentation sont donc très importants. Les pigments ne sont pas de simples ornements. Leur accumulation est strictement contrôlée et participe à de nombreuses fonctions, physiologiques et écologiques.

5. Aspects génétiques de la pigmentation

La pigmentation obéit à un strict déterminisme génétique et constitue de ce fait un excellent marqueur.

L’un des exemples les plus accessibles est celui des mutants albinos (dépourvus de pigments mélaniques au niveau des yeux, de la peau et des phanères), connus chez de très nombreuses espèces animales (merle blanc, éléphant blanc...) et surtout remarquables par leur rareté au sein des populations sauvages. Ainsi, la mutation intéresse à l’état homozygote (le seul qui soit visible, car la mutation est récessive) un Anglais sur vingt mille, ce qui correspond à une fréquence génique de 0,7 p. 100. Le caractère albinos est en général gouverné par un ou plusieurs gènes récessifs: un seul chez l’homme, mais au moins trois chez le lapin (albinos, chinchilla et himalaya). On trouve également un déterminisme polyallélique chez la souris, le rat, le cobaye et le chat. On peut noter que le mutant himalaya du lapin présente une mélanisation résiduelle au niveau des extrémités des pattes, de la queue et des oreilles, ainsi que dans la région lombaire (territoires où la température cutanée est plus basse): cela s’explique par le caractère thermosensible de la mutation, qui ne s’exprime qu’à température élevée. L’albinisme est soumis dans certaines conditions écologiques à une pression génétique qui aboutit à son expression quasi automatique: la faune cavernicole en est un exemple (arthropodes de toutes sortes, crustacés, arachnides et insectes des grottes alpines, pyrénéennes, andines ou nord-américaines, poissons, batraciens, dont le plus connu est le protée des grottes du karst dinarique); la faune abyssale en fournit un autre exemple, bien qu’il soit moins systématique.

Le déterminisme génétique de la pigmentation a également été particulièrement étudié dans le cas des yeux de la drosophile (mouche du vinaigre). La race sauvage présente des yeux rouge foncé dont la couleur est due à la présence simultanée de deux pigments: la xanthommatine (ommochrome brun-rouge) et les drosoptérines (ptérines rouge-orangé). Certains mutants présentent des yeux rouge vif, d’où leur nom de «vermilion» (v ) ou «cinnabar» (cn ) et ne contiennent que des drosoptérines. La greffe d’ébauches oculaires de mutants sur des individus sauvages, mais également celle d’ébauches v sur des individus cn , aboutit à la récupération de la couleur sauvage des yeux, par reprise de la synthèse de la xanthommatine. Ce résultat a conduit à l’interprétation suivante: le mutant v privé du gène v (mais pourvu du gène cn ) – ce qui se traduit par l’inhibition de la première étape de cette synthèse (tryptophane 料 cynurénine) – est complémenté par le mutant cn qui est lui-même incapable d’assurer l’étape suivante de la synthèse (cynurénine 料 3-hydroxycynurénine). D’autres mutants de couleur des yeux chez la Drosophile présentent des déterminismes beaucoup plus complexes, telle une déficience dans les mécanismes de transport transmembranaire (mutants «scarlet», «carnation», «pink», «maroon»...) qui aboutit à des phénotypes proches de ceux des mutants v et cn . Il convient de souligner que ces mutants v et cn avaient servi à Beadle et Tatum pour établir la notion historique fondamentale: un gène = une enzyme.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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